Des fromagers/affineurs qui voient enfin le bout du tunnel…
8 mars 2007 : au Salon de l’agriculture, le ministre Bussereau appose sa signature sur le décret qui ouvre une nouvelle ère et dynamique pour l’AOP cantal avec, entre autres, la formalisation de durées d’affinage pour chacune des trois catégories de l’appellation. Le cantal AOP sera jeune entre 30 et 60 jours d’affinage, entre-deux entre 90 et 120 j, vieux au-delà de 240 jours. Dans ces intervalles, une fourme ne peut être commercialisée sous l’appellation. Une véritable (r)évolution qui va cependant soumettre deux affineurs de la filière à un véritable casse-tête : la fromagerie Duroux, comme la société Charrade, dispose d’un tunnel d’affinage hors de la zone d’appellation. Selon les termes du nouveau décret, dès lors qu’un cantal sort de l’aire de l’AOP, son “nom” est figé. Concrètement, un cantal jeune amené dans l’un de ces tunnels pour y être affiné davantage resterait jeune ad vitam æternam ! Tout aussi ubuesque : impossible de transférer vers ces tunnels un cantal entre deux âges sauf à lui faire perdre l’appellation !
Un affinage naturel “select”
L’enjeu est de taille pour ces deux opérateurs : le tunnel de Duroux, de 300 mètres de long et situé à Pandrignes, entre Tulle et Argentat (Corrèze), à 45 km du siège de la fromagerie, se voit confié près d’un tiers des cantal produits à la fromagerie de Rilhac-Xaintrie. Installé lui aussi sur une ancienne ligne de chemin de fer (Saint-Flour-Brioude), le tunnel Cournil de Lubilhac, en Haute-Loire, frontalier de La Chapelle-Laurent, a déjà accueilli jusqu’à 4 400 pièces, soit 30 % environ des pièces affinées par Charrade. Enfouis tous deux sous une centaine de mètres de terre, ces tunnels ferroviaires reconvertis en cave affichent une température et une hygrométrie constantes couplées à une vitesse de ventilation particulière, mais aussi à une flore endémique, implantée il y a plusieurs décennies déjà. Un cocktail qui va conférer aux fromages un croûtage et un goût uniques. “Le tunnel est un réel exhausteur de goût, deux fromages produits avec le même lait, la même technologie… n’auront pas le même rendu selon qu’ils sont affinés ou pas dans le tunnel. On obtient plus facilement le boutonnet orange et davantage de longueur de pâte, décrit Cyprien Duroux, responsable commercial de l’entreprise(1). À Pandrignes, on a aussi des conditions un peu plus chaudes qui boostent l’affinage.”
N’entrent donc pas qui veut dans ces tunnels : seules des fourmes (entre-deux et vieux) sélectionnées pour leur capacité à se bonifier dans cet environnement spécifique ont droit à ce séjour “VIP”. “On adapte notre savoir-faire à cette cave naturelle”, abonde Géraud Brunhes, associé de la maison Marcel- Charrade (affineur).
(1) Et qui incarne la quatrième génération de fromagers-affineurs chez Duroux.
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